Rentrée littéraire Libella 2021

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Le bonheur est au fond du couloir à gauche - J.M. Erre

J.M. ERRE Le bonheur est au fond du couloir à gauche

Michel aime Bérénice, la femme de sa vie depuis trois semaines. Mais Bérénice le quitte brutalement un matin, au réveil.

Michel le dépressif, grand consommateur d’anxiolytiques et d’oeuvres de Michel Houellebecq, décide alors de s’atteler au plus grand défi de sa vie : reconquérir l’amour. Ses armes ? Les recettes de bonheur délivrées par la collection d’ouvrages de psychologie positive que lui a laissée Bérénice.

Michel s’est donné douze heures pour devenir enfin heureux et récupérer sa bienaimée. Alors autant le dire tout de suite : c’est pas franchement gagné !

Le bonheur est au fond du couloir à gauche est le récit drôlement désespéré de la quête du bonheur sur fond de désarroi contemporain, de faillite du modèle occidental, d’épuisement des idéologies, de crise de la masculinité, d’urgence climatique et de tartines de Nutella.

J.M. Erre enseigne les lettres et le cinéma. Tous ses romans pour adultes sont publiés chez Buchet/Chastel. Il écrit aussi des romans jeunesse édités chez Rageot. Il tient également une chronique hebdomadaire pour Groland.

En librairie le 7 janvier 2021 9782283033807 – 192 pages – 15

Extrait

Au début de mon histoire, il y a une NDE.

NDE est l’acronyme de Near Death Experience. En français : une expérience de mort imminente. De nombreuses personnes rapportent le même épisode troublant. Elles parlent d’un long tunnel sombre avec une lumière blanche au bout. Elles mentionnent des voix célestes qui les appellent, des créatures angéliques qui les invitent à les rejoindre. Elles évoquent un passage vers un autre territoire, un autre monde, une autre vie.

Moi aussi, j’ai connu tout ça. Le tunnel obscur, la lumière blanche, les voix de l’au-delà, l’attraction irrésistible vers l’inconnu… À vrai dire, j’ai longtemps hésité avant de passer de l’autre côté. Ce n’est pas que je regrettais ma vie d’avant – avais-je seulement vécu ? –, mais je me méfiais. Un mauvais pressentiment. Je sentais que quelque chose clochait. Je flairais le piège. Je soupçonnais que c’était un aller sans retour et que j’allais le regretter. Finalement, je n’ai pas eu à faire de choix, car on m’a poussé vers la lumière. Impossible de résister. J’ai longé le tunnel, j’ai franchi le seuil, j’ai fait le grand plongeon dans l’éblouissante clarté. Et je suis né.

C’était il y a vingt-cinq ans. Je ne m’en suis jamais remis. Notre naissance est une expérience de mort imminente. Reste juste à connaître la durée de l’imminence.

J’ouvre les yeux et je vois Bérénice. Quoi de plus beau que le doux visage de l’Amour penché sur soi au réveil après une bonne nuit de treize heures sous Stilnox ? Elle est divine dans sa doudoune rouge, avec son bonnet sur la tête et son gros carton dans les bras. Elle me dit : « Michel, je te laisse mes bouquins. »

Bérénice m’offre un cadeau dès le réveil. J’ai une femme merveilleuse. Prévenante, cultivée, niveau 7 au Sudoku, je ne la mérite pas. Si je pouvais, je lui mettrais cinq étoiles sur TripAdvisor. Elle ajoute : « C’est grâce à eux que j’ai trouvé la force de te quitter. Ils pourront t’être utiles, espèce de taré. »

Bérénice laisse tomber le carton de livres, m’écrase trois métatarsiens, empoigne sa valise et sort de la chambre. Je ne suis pas sûr qu’elle ait dit « taré ». C’était peut-être « connard » ou « salaud ». Qu’importe, c’est l’intention qui compte : Bérénice me fait un cadeau.

La porte claque. Quand l’Amour s’en va, on ne réfléchit pas, on agit. Pas une seconde d’hésitation : je prends un Lexomil.

La porte s’ouvre. L’Amour revient, c’est magique. Bérénice avait besoin d’une petite pause pour faire le point, ça arrive dans tous les couples. Nous allons nous réconcilier sous la couette dans un déchaînement sulfureux de nos sens et une extase de nos fluides qui…

« Par contre, je récupère mon Camus ! » Bérénice s’accroupit dans un mouvement d’un érotisme échevelé, pousse un ahanement d’invitation au plaisir, puis se relève en brandissant L’Étranger, notre livre de chevet.

La porte claque. Bérénice disparaît. La table de chevet penche dangereusement sur la droite. Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. Je pleure.

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