Rentrée littéraire Libella 2021

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Le Fléau de Dieu - Evgueni Zamiatine

Evgueni Zamiatine Le Fléau de Dieu Traduit du russe par Claude Levenson

Le Fléau de Dieu est un roman sur la jeunesse d’Attila. Otage de l’empereur romain Flavius Honorius, ce Barbare, ce garçon à l’état de nature, sauvage et indomptable, observe l’Empire corrompu et forge son caractère en opposition à cette société mourante. Le récit adopte le point de vue de deux personnages : d’un côté Attila, qui regarde la civilisation décadente de l’Empire ; de l’autre l’historien byzantin Priscus Panita, qui observe ce même pourrissement. Tout le roman est tissé de métaphores : la terre hurle « comme une femme qui sent déjà son ventre enflé prêt à projeter dans le monde des êtres nouveaux », Attila a des cheveux « comme des cornes » qui balaieront l’ancien monde. Ce récit constitue un véritable manifeste du mouvement scythe qui considère la révolution russe de 1917 comme un élan messianique, comme une union spirituelle néo-chrétienne, socialiste et révolutionnaire opposée à la pensée bourgeoise et au nouveau pouvoir soviétique.

Evgueni Zamiatine est un écrivain russe né en 1887. Bolchevik de conviction, il participe à l’insurrection de 1905. Après un exil en Angleterre, il revient en Russie en 1917 puis quitte le Parti, déçu de la révolution. Critiquant le pouvoir et la littérature prolétarienne, il demande à Staline l’autorisation de quitter la Russie. Il s’installe à Paris en 1932 où il décède en 1937. Son roman Nous autres, d’abord publié en anglais et interdit en Russie, a directement inspiré 1984 de George Orwell. Il a eu une telle influence littéraire et sociale qu’il a presque occulté le reste de son oeuvre prophétique.

En librairie le 4 février 2021 9782882506030 – 112 pages – 12

Extrait

L’inquiétude régnait partout en Europe, elle se trouvait dans l’atmosphère même, on la respirait.

Tous attendaient des guerres, des soulèvements, des catastrophes. Personne ne voulait mettre de l’argent dans de nouvelles entreprises. Les fabriques fermaient. Des foules de chômeurs déambulaient dans les rues et exigeaient du pain. Le pain devenait de plus en plus cher, et l’argent perdait chaque jour de sa valeur. L’or éternel, l’or immortel était soudain tombé malade, les hommes avaient perdu foi en lui. C’était l’ultime refuge, plus rien de durable ne persistait dans la vie.

La terre elle-même avait cessé d’être stable. C’était comme une femme qui sent déjà son ventre enflé prêt à projeter dans le monde des êtres nouveaux – et elle commença de s’agiter fiévreusement, terrorisée. C’était un hiver où les oiseaux gelaient en vol et tombaient avec un bruit sec sur les toits, sur la chaussée. Ce fut ensuite un été tel que les arbres fleurirent trois fois et que les hommes périrent de la chaleur délirante de la terre. Un jour de juillet, alors que la terre somnolait avec ses lèvres noires, séchées et gercées, son corps fut secoué d’un frisson. La terre devint une immense clameur générale. Les oiseaux voltigeaient en piaillant au-dessus des arbres et craignaient de s’y poser. Les murs, les églises, les maisons s’écroulaient en silence. Les gens fuyaient les villes comme des bêtes et vivaient en troupeaux à ciel ouvert. Le ciel avait disparu. Personne ne put dire combien d’heures ou de jours cela avait duré.

Toute couverte de sueur froide, la terre enfin s’apaisa. Tous se ruèrent vers les églises. Les voûtes lézardées laissaient entrevoir le ciel surchauffé. Les flammes des bougies vacillaient sous l’haleine des gens et le poids des péchés humains confessés à haute voix. Les prêtres blêmes clamaient du haut des ambons que dans trois jours, le monde volerait en éclats comme une châtaigne sur la braise.

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