Rentrée littéraire Libella 2021

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Ce matin-là - Gaëlle Josse

Gaëlle Josse Ce matin-là

« De la chute au pas de danse… J’ai voulu écrire un livre qui soit comme une main posée sur l’épaule. » Gaëlle Josse

Qui ne s’est senti, de sa vie, vaciller ? Qui ne s’est jamais senti « au bord de » ? Qui n’a jamais été tenté d’abandonner la course ?
Clara, trente-deux ans, travaille dans une société de crédit. Compétente, investie, efficace, elle enchaîne les rendez-vous et atteint ses objectifs. Un matin, tout lâche. Elle ne retourne pas travailler. Des semaines, des mois de solitude et de vide s’ouvrent devant elle. Amis, amours, famille, collègues, tout se délite dans l’ordre ou le désordre de leur apparition dans sa vie. La vague de fond qui la saisit modifie ses impressions et ses sentiments.
Ce matin-là dévoile la mosaïque d’une vie et la perte de son unité, de son allant et de son élan. Une vie qui se refuse à continuer privée de sens et doit se réinventer. Une histoire minuscule et universelle porteuse d’espoir.

Venue à l’écriture par la poésie, Gaëlle Josse publie ses trois premiers romans aux éditions Autrement. Récompensés par plusieurs prix littéraires, ils sont aujourd’hui étudiés dans de nombreux lycées. Chez Notabilia, Le Dernier Gardien d’Ellis Island (2014) est un grand succès public et critique : il remporte, entre autres, le prix de Littérature de l’Union européenne. Une longue impatience (Notabilia, 2018) est lauréat du prix du public du Salon de Genève ainsi que du prix Simenon et du prix Exbrayat. Une femme en contre-jour (Notabilia, 2019) reçoit le prix des lecteurs Terres de Paroles 2020. Plusieurs de ses romans sont traduits.

En librairie le 7 janvier 2021 9782882506696 – 224 pages – 17

Extrait

Les six derniers mois avant la chute. Clara y repense, comme on écarte des branches d’arbre trop touffues, et que la lumière du jour peut enfin passer. Cette promotion, au printemps dernier. Un minuscule échelon gravi, sans l’avoir cherché, dans lequel elle aurait dû lire, avant tout, une charge de travail décuplée. De chargée de clientèle à animatrice commerciale. Appui et conseil à ses anciens collègues. Les mots flatteurs, les mots sucrés, ceux qu’elle a voulu retenir, ceux auxquels elle a voulu croire. Au regard de vos compétences et de vos résultats… nous avons souhaité vous proposer des responsabilités élargies, un périmètre plus vaste… cela ne remet pas en cause vos actuelles attributions. Vous avez toute notre confiance… Les mots qui endorment. Elle n’avait pas compris, ou pas voulu comprendre qu’elle devrait rendre compte de leurs résultats, qu’elle en serait responsable et comptable, et que ces résultats seraient sans cesse redéfinis à la hausse. Elle se hait de tant de naïveté, ou de tant d’innocence, elle se déteste d’avoir pensé qu’elle pourrait réussir en faisant les choses à sa manière, sans brutalité, par la seule force de son charisme et de son enthousiasme. Elle se déteste.

Elle se revoit lors de l’entretien qui avait précédé la promotion. Elle se revoit acquiescer, une fesse posée à l’extrémité du fauteuil visiteur de ce bureau directorial où elle n’était jamais entrée. Clara, bonne élève. Sérieuse, si sérieuse. Pas de vagues. Jamais de vagues.

De ce jour, cette tension. La liste des tâches pour le lendemain qu’elle note avant de s’endormir, parfois elle s’endort dessus et retrouve ses draps tachés de marqueur fluorescent ; les dossiers emportés pour le week-end ; les appels pendant ses vacances, la vibration du smartphone professionnel dans le sac de plage ; les réveils nocturnes, ceux de deux heures, de trois heures du matin, pour penser à un rendez-vous, imaginer la scène, préparer un discours, des arguments, réfuter ce qui sera avancé, tenir tous les rôles dans sa tête. Être à la hauteur. Bouffées d’angoisse, coeur tambour. C’est un maillage invisible d’ondes et de réseaux qui l’enserre chaque jour un peu plus, comme cette torture qui consiste à ligoter la victime d’une manière telle qu’à chaque effort pour se libérer, elle resserre un peu plus les liens, jusqu’à l’étranglement final.

Aux mots satinés, aux mots vernis ont succédé les mots acides. Les flèches empoisonnées. Les banderilles. Si vous étiez mieux organisée… Ne nous faites pas regretter la confiance que nous avons placée en vous… Et, posé sur les mots acides, le sourire serpent. Clara connaît alors le filet de transpiration qui coule le long du dos, ruisselle sur chaque vertèbre en tachant le chemisier impeccable du matin, le déjeuner, barquette plastique posée sur les dossiers, abandonnée à moitié pleine, les heures qui galopent, s’emballent, les mails qui s’empilent sur les lignes de son écran jusqu’à le saturer. Déjà la journée est finie. Il lui reste la soirée, la nuit s’il le faut, c’est l’affaire de quelques semaines, mais elle y arrivera. Elle se l’est promis, juré, les yeux dans les yeux, face au miroir.

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