Rentrée littéraire Libella 2021

Retour accueil

Belladone - Hervé Bougel - Buchet Chastel

Hervé Bougel Belladone

« La maison n’est pas belle, la maison n’est pas propre, la maison n’est pas rangée. La serrure est cassée. Mon père l’a brisée une nuit, de trois coups de pied. »

Toute fin des années 1960, début de l’été. Une petite ville morne des Alpes surplombée par une montagne au sommet de laquelle une énorme statue de la Vierge veille sur la vallée.

Au sein d’une famille dévastée, le père se suicide régulièrement en avalant tous ses cachets de belladone. La mère est autoritaire. L’aîné, égoïste et brutal, est obsédé par la préparation d’une compétition sportive dont dépend, croit-il, tout son avenir. La soeur cadette, elle, est réduite au silence.

Comment exister dans ce petit univers étouffé par la violence ? Par où fuir ? Comment s’échapper ? Dans ce court roman noir écrit au cordeau, le narrateur, dernier des enfants de la famille, fait vibrer sa mémoire tout en cherchant une issue vers la liberté.

Hervé Bougel est né en 1958 au Maroc. À 16 ans, il quitte l’école et exerce différents métiers jusqu’à devenir, en 1997, éditeur de poésie pour la maison pré # carré éditeur.

En librairie le 7 janvier 2021 9782283033111 – 144 pages – 15

Extrait

Assis sur la pelouse, devant l’immeuble, à l’ombre du grand marronnier, j’attends ma mère. La matinée se termine, dernière semaine d’école. En septembre, nous serons en sixième, je ne verrai plus Lachenay, notre instituteur, cette brute crasseuse que nous appelons le père Laqueue. Petits, nous ne comprenions pas pourquoi les grands du CM2 le surnommaient comme ça. Ils nous ont expliqué : Ben c’est simple : Lachenay, ça fait Lacheu, et Lacheu, ça fait Laqueue. Voilà, vous avez pigé, les merdeux ? Oui, on a pigé. Son prénom, on ne le connaît pas, et d’ailleurs on s’en moque, c’est le père Laqueue et c’est comme ça. Bientôt je ne le verrai plus, je ne verrai plus non plus toute cette bande de garçons, ces camarades que je n’aime pas, à qui je parle le moins possible. Dans la cour, difficile de s’ignorer. On passe vite pour un crâneur, un intello, un tordu, et l’école est petite, on ne s’évite pas. Au CM1, j’avais demandé à Monsieur Barrier, le maître, l’autorisation de rester dans la classe pendant les récréations : Quelqu’un t’embête, petit bonhomme ?
– Non, personne ne m’embête, mais je m’ennuie.

Ce n’est pas la réponse que j’ai faite, bien sûr, mais je l’ai pensée. J’ai dû continuer à fréquenter les autres, Rinaldi, Colomban, Couttaz. J’ai dû participer aux jeux de billes, au ballon prisonnier. Pas le droit de viser la tête ! Pas le droit de viser la tête, alors que c’est ce que je désire : Dans ta gueule, Rinaldi ! Dans ton pif, Colomban !

Dans ta tronche, Couttaz ! Et crache tes dents ! Si je pouvais… Si j’osais… Avec ce petit ballon de hand dur comme un caillou, en visant bien… L’an prochain, au collège Jules-Ravat, je serai noyé dans la masse. Trouver la paix. Peut-être ne serai-je pas le fils du poivrot. Peut-être ne serai-je personne. Peut-être serai-je enfin oublié.

Pour être au courant des prochaines parutions, laissez-nous vos coordonnées :

Powered by Mailpro

Voir les autres titres de la rentrée littéraire Libella